lundi 16 mai 2011

L'origine évolutive d'étranges insectes

La nature est pleine de surprises, il suffit parfois juste de prendre le temps de l'observer attentivement pour s'en émerveiller. Par exemple combien de personnes ont entendu parler ou même vu cette étrange catégorie d'insectes nommés les Membracides?

Pas énormément de monde me semble-t-il!

Et c'est bien dommage car les Membracides constituent une des famille d'insectes des plus étranges quoi soit, peut-être même la famille d'insectes la plus étrange qui existe. Pour s'en convaincre je vous laisse admirer les photos de trois espèces représentantes de la famille des Membracides.


Voici trois représentants de la famille des Membracides, les excroissances que l’on nomme «casques» qu’abordent ces créatures, parlent d’elles-mêmes. En haut Heteronotus maculatus, au milieu Cladonota benitezi, en bas Bocydium globulare.

Impressionnant n'est-il pas?

Comme vous pouvez le voir de manière pour le moins flagrante, ces insectes sont porteurs d'étranges excroissances que l'on nomme des «casques». Ces sont ces «casques» qui font que l'on a réellement l'impression que ces insectes sont le fruit de l'imagination d'un auteur de science-fiction alcoolique! Et pourtant ces insectes sont tout ce qu'il y a de plus réel!

Ces «casques» peuvent avoir des fonctions potentielles diverses allant de celle d’un outil de camouflage ou au contraire peuvent éventuellement faire office de «tape à l’œil» imposant en vue de décourager d’éventuels prédateurs.

Mais si l’on peut donc supputer des diverses utilités potentielles sur le plan sélectif, de ces excroissances hors du commun, pourquoi donc les Membracides sont-ils la seule famille d’insectes à avoir développé des structures aussi excentriques? En effet les Membracides forment un groupe monophylétique à l’instar par exemple des primates. Cela signifie que tous les Membracides partagent un ancêtre commun plus récent qu’avec n’importe quel autre insecte. Ainsi donc il semble fort possible que les Membracides doivent leurs étranges structures à leur ancêtre commun respectif!

Mais pour répondre à cette question cruciale encore fallait-il savoir ce que sont concrètement les «casques» des Membracides. Pendant longtemps les biologistes ont cru que le «casque» étrange des insectes, représentait une excroissance de la cuticule à l'instar des cornes qui ornent certaines espèces de Scarabées.

Pourtant deux chercheurs français du CNRS nommés Nicolas Gompel et Benjamin Prud’homme constatèrent quelque chose d’étrange en examinant de près le «casque» du Membracide nommé Publilia modesta, ils remarquèrent en effet que le dit «casque» en question était articulé au thorax de l’animal comme le sont les ailes d’insectes en général. Ainsi donc le «casque» des Membracides seraient autre chose que de simples excroissances de la culticule! Les deux chercheurs ont donc émis l’hypothèse selon laquelle les «casques» des Membracides seraient en quelque sorte, «homologues» à des ailes d’insectes. Pour ce faire les chercheurs analysèrent les gènes impliqués dans le développement des «casques» en question et découvrirent que deux gènes impliqués dans le développement des ailes le sont également dans les étranges excroissances des Membracides.

Il demeure cependant un dernier problème, les «casques» des Membracides ne se développent pas aux mêmes endroits que les ailes des insectes.
En effet chez les insectes on trouve au niveau du thorax trois segments, le segment antérieur (le plus près de la tête) T1, suivit des segments T2 et T3. Chez les insectes les ailes sont attachées sur le segment T2 voir éventuellement T3, mais jamais sur le segment T1.
Schéma simplifié montrant les segments T1, T2 et T2 chez un insecte. Si les segments T2 et T3 peuvent être porteurs d’ailes il n’existe aucune insecte actuel chez qui le segment T1 est lui aussi pourvu d’ailes.

Jamais? En fait plus aujourd’hui! Car les plus anciens insectes datant du Paléozoïque vieux de plus de 250 millions d’années possédaient pour certains bel et bien d’une paire d’ailes au niveau du segment T1!

Les fossiles de très anciens insectes tel que cet Éphémère du Paléozoïque (de moins 543 à moins 250 millions d'années), nous montrent que ceux-ci étaient pour certains porteurs d’ailes sur le segment T1.

Mais donc depuis les insectes avaient totalement perdu cette paire d’ailes et cela en raison de l’expression d’un gène Hox particulier, gène Hox qui a en quelque sorte inhiber dans le segment T1, l’activité des gènes impliqués dans le développement des ailes, si bien que depuis des centaines de millions d’années les insectes se retrouvent dépourvus d’ailes sur le segment en question.

Mais donc il y a environ 40 millions d’années, date approximative où serait apparu les Membracide, cette contrainte imposée par le gène Hox en question, n’aurait plus fait effet et aurait permis à cette famille d’insectes naissante, de voir les gènes impliqués dans le développement des ailes, s’exprimer librement sur le segment T1. Chose surprenante, le gène Hox qui réprime habituellement le développement d’ailes sur le segment T1, est toujours fonctionnel. Nicolas Gompel précise que ce n’est donc pas au niveau du gène Hox en question qu’il faut chercher la cause du développement des «casques» des Membracides.

«Nous sommes confrontés à un paradoxe : un gène Hox qui est capable de réprimer la formation des ailes mais qui ne la réprime pas. Nous pensons que les changements évolutifs touchent plutôt le programme génétique de formation des ailes ; ces gènes seraient devenus insensibles à la répression par le gène Hox.»
Nicolas Gompel

Ainsi donc les gènes impliqués dans le développement des ailes auraient muté de manière à devenir insensibles au gène Hox qui les réprime habituellement. Ces changements génétiques ayant permis au segment T1 des Membracides de développer à nouveau des ailes, enfin des ailes tellement modifiées qu’elles ne sont plus vraiment voir même plus du tout des ailes.
Arbres phylogénétique simplifié des insectes retraçant les transitions concernant l’expression des gènes au niveau du Segment T1 (en rouge). Les Étapes 1 et 2 illustrant la complexification de l'expression des gènes sur les segments T1, T2 et T3 (notez le gène «scr» sur le segment T1 et impliqué dans le développement des «casques» des actuels Membracides). L'Étape 3 représente le moment où le développement des ailes sur le segment T1 a été bloqué par un gène Hox particulier. L'Étape 4 représente le déblocage développemental du segment T1 chez les Membracides avec à la clef l'apparition et l'évolution des «casques» de ces derniers, «casques» qui se développent donc comme des ailes et s'articulent même de manière similaires à ces dernières.

Ainsi Nicolas Gompel et Benjamin Prud’homme ont montré comment la réactivation d’un «potentiel développemental» mis sous silence depuis longtemps, peut mener à des innovations des plus surprenantes sans que cela ne nécessite donc forcément d’importantes modifications génétiques. Les travaux de ces deux chercheurs français et de leur équipe nous montrant également que même si la sélection naturelle demeure un important facteur évolutif, les «potentiels développementaux» et plus généralement ce que certains chercheurs nomment l’évolvabilité ainsi que les aléas contingents des mutations, demeurent des paramètres extrêmement important en matière d’évolution.

Mais donc cette équipe de chercheurs français est parvenue à résoudre le mystère de ces excroissances surréalistes en montrant que celles-ci ne sont pas des excroissances de la cuticule mais qu'elles sont, en quelque sorte, des ailes modifiées!

Conclusion

Ces excroissances étranges sont bel et bien, en quelque sorte, des ailes. Enfin pas des ailes à proprement parler mais plutôt des instruments d'intimidation ou de camouflage à destination des prédateurs divers et variés.

Pour comprendre ce dernier point résumons la chose. Les insectes actuelles ne disposent que de deux paires d'ailes sur les segments T2 et T3, le segment le plus antérieur à savoir le segment T1 ne dispose plus d'ailes depuis longtemps seuls certains insectes disparus depuis fort longtemps possédaient des ailes sur le segment T1. Mais depuis l'expression des gènes Hox avait inhibée la formation des ailes sur ce segment T1. Segment T1 demeurant donc dépourvue d'ailes. Cependant chez les Membracides quelque chose d'étrange s'est produit, le gène Hox bloquant la formation des ailes est resté actif, cependant un changement génétique est parvenu à contourner l'inhibition imposée par le gène Hox permettant le développement des ailes modifiés en question sur le segment T1. L'étude de l'équipe française démontrant que les gènes Hox ne sont pas «tout puissants» et peuvent être contourné pour le développement de nouvelles structures y compris des structures aussi importantes que celles des Membracides.

Références:

Benjamin Prud’homme and al (2011), Body plan innovation in treehoppers through the evolution of an extra wing-like appendage, Nature

Interview de Benjamin Prud’homme et Nicolas Gompel (2011), Du jamais vu : des insectes à trois paires d’ailes!, Science Gouvernement

Jerry Coyne and Matthew Cobb (2010), The surreal treehoppers, Why Evolution Is True

Jerry Coyne (2011), The strange origin of the treehopper “helmet”, Why Evolution Is True

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Mise à jour corrective (05.12.2011)


Une connaissance virtuelle avisée en matière de biologie de l'évolution et administrateur du site rationalisme.org (que j'avais oublié d'ajouter à ma liste des blogs et sites préférés), m'a contacté via un commentaire pour me signaler une erreur de ma part concernant mon usage de l'image d'éphémère du Paléozoïque.

Aussi je poste ci-dessous la correction que celui-ci a eu la gentillesse de me communiquer.


2 petites erreurs se sont néanmoins glissées dans tes commentaires de cette page, cher Hans, que tu peux corriger si tu en as envie. Ou mieux encore remplacer l'image proposée ici, et adapter le texte en conséquence. 


Les fossiles de très anciens insectes tel que cet Éphémère du Paléozoïque (de moins 543 à moins 250 millions d'années), nous montrent que ceux-ci étaient pour certains porteurs d’ailes sur le segment T1.

Si tu réexamines l'image que tu proposes toi, cette nymphe n'a justement pas d'ailes (ni même de duvets branchiaux très évidents) sur le segment thoracique T1.. (celui d'où partent les 1res pattes)
Cette image représente en fait une nymphe d'éphémère fossile, et non pas un adulte. Elle est plus utile pour expliquer l'évolution des ailes des insectes à partir des paires de ramifications branchiales. Nymphe d'éphémère moderne, pour comparaison : http://islandwood.org/kids/stream_healt ... _nymph.jpg

En fait, l'image à considérer serait plutôt la même mais en entier, ici : 




qui quant à elle représente en A, le schéma d'une larve primitive à 3 paires d'ailes thoraciques et sa correspondance moderne en biface. Le dessin B à droite étant surtout utile pour voir les 2 ailes (ou excroissances) thoraciques, et les abdominales très similaires. On peut aussi noter les abdominales en détail sur une larve moderne, ici : http://www.flickr.com/photos/selago/4827070091 ou encore ici : http://www.troutnut.com/im_regspec/pict ... _large.jpg

Si tu veux mettre une bonne image d'insecte fossile à 3 paires d'ailes thoraciques assez flagrantes, il vaudrait mieux chercher une photo ou schéma de Palaeodictyoptère, tous fossiles bien évidemment, qui eux avaient bien une sorte d'assez claire 3me paire d'ailes sur le segment T1, mais qui n'aidaient probablement pas trop pour le vol et sont appelées autrement. Comme ici : 





Du nouveau sur l’évolution des doigts des oiseaux

Le dinosaure à plumes nommé Anchiornis huxleyi

Il y a quelques mois j’avais réalisé une petite série de cinq messages [1], [2], [3], [4], [5] consacré à une prétendue «controverse» sur l’origine dinosaurienne des oiseaux.

Dans le deuxième message de cette série j’étais sur la meilleure objection qui avait été adressé à l’encontre de l’origine dinosaurienne des oiseaux, à savoir des observations embryologiques qui contrediraient l’homologie des doigts des ailes des oiseaux avec ceux des membres antérieurs des dinosaures théropodes, sensé leur être pourtant homologues. Toujours dans ce même message j’avais expliqué en quoi l’objection n’est plus aujourd’hui valide au regard de récentes études amenant des hypothèses explicatives sur l’apparente contradiction amené par les observations embryologiques, hypothèses en partie confirmées par des études portant sur les gènes impliqués dans le développement des doigts des ailes des oiseaux. À ce titre je laisse intéressés lire attentivement le message en question pour savoir de quoi il en retourne exactement.

Si donc vous avez bien lu le message en question, vous constaterez que certes, l’homologie des doigts des oiseaux avec ceux des dinosaures théropodes n’est plus aujourd’hui remise en question par les observations embryologiques. Mais vous remarquerez aussi qu’il subsiste un doute sur l’identité réel des doigts des oiseaux et par extension sur ceux des dinosaures théropodes non-aviens (comme par exemple le très célèbre Vélociraptor, qui leur sont les plus apparentés à savoir les Cœlurosauriens. Les Dinosaures Théropodes Cœlurosauriens (oiseaux compris) ont-ils conservé les doigts 1, 2 et 3 ou alors les doigts 2, 3 et 4?


Deux récentes études pointent vers l’idée que les oiseaux ont bel et bien conservé les doigts 1, 2 et 3 comme cela a été proposé depuis un bout de temps déjà.

La première étude est celle d’une équipe japonaise qui s’est intéressé plus en détail sur le développement des doigts des ailes des oiseaux et des gènes impliqué dans celui-ci via des expériences développementales. Les expériences en question ayant montré que le «troisième doigt» des oiseaux n’est pas le doigt numéro 4 mais bel et bien le doigt numéro 3! Cela confirmant donc la numérotation 1, 2 et 3 des doigts des oiseaux et par extension ceux des Dinosaures Théropodes Cœlurosauriens!

La deuxième étude est issue de trois scientifiques américains dont Jacques A. Gauthier et Günter P. Wagner qui sont tous deux les auteurs de l’hypothèse de la transformation homéotique (frame shift en anglais). Dans cette études les auteurs s’adonnent à une analyse cladistiques et morphologique de l’anatomie des doigts de divers fossiles de dinosaures théropodes. Leur analyse tendant là encore à aller dans le sens d’une numérotation des doigts 1, 2 et 3 pour les Dinosaures Théropodes Cœlurosauriens oiseaux compris.

Conclusion les deux études réunis semblent confirmer le scénario de la transformation homéotique et de la numérotation 1, 2 et 3 des oiseaux et des Dinosaures Théropodes Cœlurosauriens en général.

Bien évidemment il est probablement trop tôt pour affirmer que le débat est définitivement tranché mais force est de constater que la numérotation 1, 2 et 3 des doigts des dinosaures théropodes Cœlurosauriens est la plus solide par ailleurs il semble aujourd’hui plus que jamais clair et net que les doigts des oiseaux sont bel et bien homologues à ces des autres dinosaures théropodes Cœlurosauriens!

Références:


Günter P. Wagner and Jacques A. Gauthier (1999), 1,2,3 = 2,3,4: A solution to the problem of the homology of the digits in the avian hand, Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS)

Koji Tamura, Naoki Nomura, Ryohei Seki, Sayuri Yonei-Tamura and Hitoshi Yokoyama (2011), Embryological Evidence Identifies Wing Digits in Birds as Digits 1, 2, and 3, Science

Gabe S. Bever, Jacques A. Gauthier and Günter P. Wagner (2011), Finding the frame shift: digit loss, developmental variability, and the origin of the avian hand, Evolution & Developpement

L'évolution limitée du créationniste Doug Axe

Dans un message précédent j’ai expliqué en quoi les déductions du créationniste Michael Behe sur une évolution si limitée que la biodiversité et complexité du vivant telles que nous les connaissons aujourd’hui ne peut s’expliquer par la dite évolution mais impliquerait l’intervention d’un concepteur intelligent dont la nature et les méthodes ne sont bien sûr jamais décrites et expliquées par les prêcheurs du «Discovery Institute».

Qu’on se le dise le «Discovery Institute» est une organisation idéologique dont l’objectif à peine voilée est la promotion d’une forme particulière de créationnisme, donc la promotion d’une pseudo-science dont l’objectif est de rétablir la transcendance comme «mécanisme explicatif», bref une violation même de ce qu’est la science.

Ainsi le «Discovery Institute» est constitué de philosophes et de théologiens, mais comme nous l’avons vu avec Michael Behe cette organisation s’appuie également sur quelques «scientifiques» sensé faire office d’autorité en matière de réfutation de la biologie de l’évolution.

Or depuis le milieu des années 2000, Michael Behe s’est vu rejoint par un autre collègue à savoir un dénommé Doug Axe et donc la spécialité est de publier des papiers qui prouveraient que l’évolution de nouvelles protéines est si improbable que les protéines qui existent actuellement (et par extension les êtres vivants qu’elles constituent), n’ont pas pu évoluer par les mécanismes naturels, si bien que seul un concepteur intelligent pourrait expliquer l’existence des protéines en questions et donc à fortiori de la biodiversité et de la complexité du vivant telles que nous les connaissons actuellement.

Pour se faire et pas plus tard qu’en ce début d’année 2011 Doug Axe aidé d’une collègue nommée Ann Gauger, ont publié un papier sensé démontré que le passage d’une enzyme nommé Kbl2 à une enzyme nommé BioF2 est hautement improbable, si improbable qu’elle ne pourrait se produire dans la Nature et cela parce que pour passer de l’enzyme Kbl2 à l’enzyme BioF2 il faudrait plusieurs mutations et plusieurs changements d’acides aminés à la clef!

Sans entrer dans les détails (je laisse aux intéressé consulter les références et les liens qui accompagne mon présent message), ces deux enzymes sont très similaires dans leur formes mais accomplissent des fonctions très différentes. Or il s’avère donc selon Doug Axe et sa collègue Ann Gauger que l’évolution de l’enzyme Kbl2 à BioF2 demanderait 10^30 générations pour se réaliser et serait donc si improbable qu’elle n’aurait donc selon toute vraisemblance pas avoir eu lieu dans la nature, l’organisation créationniste nommé «Discovery Institute» allant plus loin en affirmant que cela va dans le sens d’une impossibilité de l’évolution de l’ensemble des enzymes et de leurs fonctionnalités respectives tel qu’on l’observe dans la nature. Le pire étant que dans un article du «Biologic Institute», un site affilié à l’organisation créationniste «Discovery Institute», Doug Axe affirme également que ces recherches ont réellement des implications sur la «faisabilité» de l’évolution!

Bien évidemment on s’en doute le papier de Doug Axe et Ann Gauer (tout comme les autres papiers de Doug Axe ou encore les papiers de Michael Behe) ne peuvent en aucun cas constituer des réfutations de la «faisabilité» de l’évolution de nouvelles protéines et de nouvelles fonctions dans la Nature. D’ailleurs pour s’en convaincre on peut noter plusieurs choses.

1. Premièrement le papier de Doug Axe et Anne Gauer a été publié par le journal intitulé «Bio-Complexity» à savoir un journal fondé par le «Discovery Institute» lui-même et dont Doug Axe et Ann Gauer sont eux-mêmes des membres du conseil de publications! Niveau garanti d’objectivité on peut difficilement faire pire!

2. Sans être spécialiste en matière de probabilité on peut légitimement douter de leurs inférences statistiques voulant qu’il faudrait 10^30 générations pour passer d’une enzyme à l’autre. Car bon contrairement à Michael Lynch, Doug Axe et Ann Gauer affirment que l’accumulation de plusieurs mutations neutres n’a qu’extrêmement peu de chance statistiquement de mener à l’apparition de nouvelles enzymes et de nouvelles fonctionnalités. Cependant peut-on réellement affirmer au vue de certaines constatations issues de l’expérience de Lenski et d’autres études de cas, que les conclusions de Michael Lynch sont fausses et celles de Doug Axe et Ann Gauer valides en tous points? Il semble bel et bien que non!

3. Comme réfutation de la «faisabilité» de l’évolution de nouvelles protéines, la publication de Doug Axe et Anne Gauer est inapproprié et non-pertinente, car elle fait ses supputations statistiques sur deux protéines contemporaine, c’est-à-dire un supposé scénario dans lequel nous passerions d’une enzyme contemporaine à une autre enzyme contemporaine et non pas d’une enzyme ancestrale à une enzyme actuel.

Or donc comme l’on déjà souligné Jack Scalan et Steve Matheson (Steve Matheson cites d’ailleurs deux études récentes datant de 2010 et de 2011 n’allant pas vraiment dans le sens des déduction de Doug Axe et Ann Gauer) on ne peut guère s’adonner à ce genre d’inférence évolutive à partir en cherchant des transitions entre deux enzymes contemporaines. C’est comme si l’on voulait tester l’évolution en faisant une inférence sur les changements nécessaire pour passer d’un crocodile à un oiseau. Cela ne marche pas car le crocodile et l’oiseau ne sont pas issu l’un de l’autre, mais partagent un ancêtre commun. L’évolution des organismes mais aussi des protéines est contrainte, c’est-à-dire qu’effectivement certains changement sont très improbables voire impossible en raison des contraintes acquises au fil de l’évolution. Par exemple les baleines ne récupéreront probablement jamais leur membres postérieurs et comme l’avait souligné Joseph Thorton, les protéines ne pourront probablement jamais évolués vers la forme ancestrale dont elles sont issues, cela confirmant dans une certaine mesure la Loi de Dollo conceptualisé par le scientifique du même nom au 19ème siècle déjà. C’est d’ailleurs selon ce même principe que des organismes et des protéines ne peuvent très probablement pas évoluer vers des formes contemporaines, car chacune de ces dernières, a hérité de contraintes structurales propres à sa lignée respective.

Aussi on ne peut prétendre démontrer la «non-faisabilité» de l’évolution d’une nouvelle enzyme ou même d’une nouvelle espèce en faisant des supputations sur les transitions possibles de deux enzymes/espèces contemporaines c’est même là une chose de complètement fallacieuse et absurde. En réalité pour vérifier la faisabilité d’une pareille évolution il faut d’avantage tenté de reconstituer ce à quoi pouvait ressembler l’ancêtre hypothétique possible d’une enzyme/protéine et tenter de vérifier la faisabilité de pareille évolution à partir de l’ancêtre hypothétique en question. Certes la méthodologie est plus contraignante et implique des analyse phylogénétique approfondi pour reconstitué l’ancêtre hypothétique en question (pour l’évolution des espèces le registre fossile est une aide précieuse qui a déjà fait ses preuves) mais donc là au moins le résultat obtenu sera suffisamment pertinent pour que l’on puisse juger de la faisabilité ou non de pareille évolution.

En fait chose amusante si l’on poussait le vice du sophisme utilisé par Doug Axe et Ann Gauer ont pourrait en arriver à affirmer que l’évolution est falsifié car l’on a jamais pu démontrée qu’un brocoli a évolué pour donner à naissance une Gerbille!

L'ultime preuve de la «non-faisabilité» de l'évolution!


4. Le papier de Doug Axe et Ann Gauer semble ignorer de façon pour le moins étrange de multiples travaux sur l’évolution de nouvelles enzymes voir même de nouvelles voies métaboliques, cela rendant pour le moins à côté de la plaques leurs conclusions sur le trop faible probabilité d’apparition de nouvelles enzymes et de nouvelles fonctions. On peut notamment cité une récente étude sur l’évolution d’un nouveau gène codant une protéine anti-gèle au sein d’une espèce particulière de poisson ou une autre étude sur l’apparition d’une nouvelle protéine au sein d’une lignée de champignons. En fait Doug Axe et Ann Gauer sont même totalement à côté de la plaque concernant ces dernières!

Bref sans même entrer dans les détails il s’avère que Doug Axe et Ann Gauger n’amènent strictement aucun élément démontrant que l’évolution des protéines est d’une telle improbabilité qu’elle n’a pas pu avoir lieu dans nature. En fait en affirmant que leurs «travaux» montrent une pareille improbabilité de l’évolution, Doug Axe et Ann Gauger ne font que s’attaquer à des épouvantails, c’est-à-dire à une caricature grossière de ce qu’est l’évolution le tout en ignorant les résultats intéressant d’autres équipes de chercheurs en matière d’évolution des protéines. Doug Axe et Ann Gauger me font personnellement d’avantage de la peine qu’autre chose, car brasser ainsi du vent pour tenter d’amener un semblant de crédibilité (ce que n’amènent même pas leurs publications), à un mouvement créationniste, c’est pour le moins navrant.

Et pendant qu’ils se fourvoient à ce genre de futilités aussi inutiles qu’à côté de la plaque, la recherche scientifique progresse sans eux, la compréhension en matière de biologie de l’évolution ne cesse de s’accroitre. Sans même le savoir eux-mêmes, probablement englués dans leurs propres préconceptions métaphysiques et confusions épistémologiques, Doug Axe et Ann Gauer sont la parfaite illustration du résultat déplorable auquel peut mener!

Références:



Michael A. Fisher, Kara L. McKinley, Luke H. Bradley, Sara R. Viola, Michael H. Hecht (2011), De Novo Designed Proteins from a Library of Artificial Sequences Function in Escherichia Coli and Enable Cell Growth, PLoS ONE

Jeffrey E. Barrick, Mark R. Kauth, Christopher C. Strelioff and Richard E. Lenski (2010), Escherichia coli rpoB Mutants Have Increased Evolvability in Proportion to Their Fitness Defects, Molecular Biology and Evolution

Jamie T. Bridgham, Sean M. Carroll, Joseph W. Thornton (2006), Evolution of Hormone-Receptor Complexity by Molecular Exploitation, Science

Jamie T. Bridgham, Eric A. Ortlund3 & Joseph W. Thornton (2009), An epistatic ratchet constrains the direction of glucocorticoid receptor evolution, Nature

Jing Cai, Ruoping Zhao, Huifeng Jiang and Wen Wang (2008), De Novo Origination of a New Protein-Coding Gene in Saccharomyces cerevisiae, The Genetic Society of America

Cheng Denga, C.-H. Christina Chengc, Hua Yea, Ximiao Heb, and Liangbiao Chena (2011), Evolution of an antifreeze protein by neofunctionalization under escape from adaptive conflict, Proceedings of the National Academy of Sciences