jeudi 15 novembre 2012

Ces emplumés d'Ornithomimidés!

Reconstitution artistique d'Ornithomimus représenté ici par un juvénile à la «fourrure de plumes» et un adulte exhibant sur ses avant-bras des plumes semblables aux régimes de nos oiseaux actuels. Ces rérniges qui formeraient même chez les Ornithomimus adultes des sortes d'ailes qui certes ne lui permettaient pas de voler mais qui lui auraient peut-être servi lors de probables Parades Nuptiales. Cette reconstitution et cette hypothèse se basant sur la récente étude de Darla K. Zelenitsky et al (2012). [1] Mais peut-on réellement affirmer que les plumes des avant-bras des adultes Ornithomimus étaient de véritables rémiges disposés de manière semblables à ceux des ailes de nos oiseaux actuels? Comme nous le verrons plus bas dans le présent message nous ne pouvons guère en avoir la certitude!

Récemment une étude portant sur les fossiles d'Ornithomimidés nommés d’Ornithomimus découverts dans l’Alberta au Canada a permis de déterminer de manière claire que ces derniers avaient bel et bien des plumes! [1] Mieux l’analyse comparé du fossile d’Ornithomimus juvénile avec celui d’un adulte a permis d’établir que le second avait des «attaches» de plumes complexes sur les avant-bras que ne possédait pas le premier. Cela constituant probablement un important renseignement sur le développement des plumes durant la croissance de ces dinosaures non-aviens.

Les Ornithomimidés sont également appelé «Dinosaures Autruches» en raison de leur morphologie générale similaire à celle des actuelles Autruches. Ci-dessus le squelette de l'Ornithomimidé Struthiomimus.

Le premier point intéressant de cette découverte étant donc qu’elle confirme ce que les paléontologues soupçonnèrent depuis longtemps, à savoir que les Ornithomimidés avaient eux-aussi des plumes. Soupçons qui s’expliquent aisément lorsque l’on observe la phylogénie des Dinosaures chez lesquels la présence de plumes fossilisées a pu être avéré (voir ce diagramme).

Cependant si la présence de plumes chez les Ornithomimidés est donc superbement confirmée par ces fossiles les auteurs de la publication décrivant ces fossiles, prennent parti pour une hypothèse à prendre avec des pincettes, hypothèse soutenant que les Ornithomimidés adultes avaient probablement sur leurs avant-bras de véritables rémiges similaires à celles de nos oiseaux actuels. C'est-à-dire des régimes qui formeraient des sortes d'ailes ou «proto-ailes». En effet les avant-bras des Ornithomimus adultes ont des marques qui correspondraient aux «attaches» de Calamus de plumes. Cela voudrait donc dire que les Ornithomimidés n’avaient pas que de simples filaments de plumes mais bel et bien des plumes munies d’un Calamus à l’instar de celles de nos oiseaux (voir l'image et la légende ci-dessous).

Plume d'oiseau: organe composé d'une tige souple portant des barbes et barbules recouvrant la peau des oiseaux pour la protéger et maintenir la température du corps. Plume de duvet: premières plumes qui poussent et qui sont molles. Barbes molles et libres: filaments de la plume de duvet qui ne sont pas serrés. Calamus ou tige creuse: tige vide de la plume. Rachis ou tige pleine: partie de la tige de la plume qui n'est pas vide. Barbes raides accrochées les unes aux autres: filaments de la plume qui ne sont pas mous et libres. Lame: partie mince et plate de la plume. Rémige primaire: la plus grande plume située sur le rebord de l'aile de l'oiseau (source du présent schéma et de la légende qui l'accompagne cliquez ici).

Et puisque ces marques d’attaches de plumes, ou plus exactement de Calamus, se trouvent sur les avant-bras, les auteurs de l’étude en déduisent que ces plumes étaient probablement homologues à celles des régimes des ailes des oiseaux et que donc les Ornithomimidés avaient très probablement eux aussi des rémiges similaires à celles de nos oiseaux actuels et formant de véritables ailes similaires à celles des oiseaux (voir la reconstitution au début du présent message) et cela quand bien même les Ornithomimidés ne s’en servaient donc pas pour voler. De plus nous noterons également que seuls les spécimens adultes présentent pareilles marques sur les os des avant-bras, cela témoignant probablement d’un développement ontogénique des plumes durant la croissance des Ornithomimidés, les régimes de plumes n’existant donc pas à la naissance.

Et c’est-à partir de cette déduction que les auteurs de l’étude en arrivent à soutenir la théorie selon laquelle les ailes des oiseaux auraient initialement évoluer pour les «parades nuptiales» donc par simple sélection sexuelle! Pourquoi? Tout simplement parce que les Ornithomimidés représentent un clade de dinosaures théropodes plus éloigné des oiseaux que les autres dinosaures chez lesquels pareils rémiges étaient présents (voir diagramme ci-dessous)! Les auteurs de l’étude en déduisant donc que les rémiges sur les avant-bras ont donc précédés l’élaboration du vol et devaient donc probablement servir à autre chose comme par exemple à de probables Parades Nuptiales!

Phylogénie simplifiée des Dinosaures Saurischiens. Notez la position phylogénétique des Ornithomimidés pour lesquels les auteurs de l’étude pensent que ceux-ci possédaient des rémiges disposés de la même manière que ceux des oiseaux (Pennibrachia en vert sur le présent schéma). Vous notez également que le présent schéma montre qu’au sein du clade des Thérizinosauroïdés il n’existe pas de preuves de pareils rémiges et cela quand bien même les Thérizinosauroïdés sont généralement considérés comme étant plus proches des oiseaux que ne le sont les Ornithomimidés. Dès lors nous pouvons également soupçonner la présence de régimes chez les Thérizinosauroïdés ou alors à l’inverse émettre des doutes sur l’idée selon laquelle les Ornithomimidés avaient pareils régimes.

Bon ok si vous avez l’esprit critique vous avez deviné que le scénario évolutif pour l’évolution des ailes déduit à partir des présents fossiles d’Ornithomimidés, demeure pour le moins spéculatif. Souvenons-nous d’autres scénarios pour expliquer l’évolution des ailes des oiseaux, comme celui soutenant que les rémiges des avant-bras auraient pu faire office de «balancier» chez les petits dinosaures prédateur lors de la capture de leurs proies, voir même faire office de balancier lors de leur accouplement comme l’a suggéré non sans humour et pertinence Nicobola.

Bref difficile de valider de manière claire le moindre scénario évolutif à partir de ces fossiles d’Ornithomimidés! Pire des critiques et objections pertinentes aux spéculations de Darla K. Zelenitsky et al (2012) [1], ont déjà fait leur apparitions sur la blogosphère dinosauriennes, à ce titre en voici ci-dessous déjà deux, d’autres pourront éventuellement faire leur apparition ultérieurement.

1. Les Ornithomimidés étaient peut-être eux aussi des Maniraptoriens

Voici une objection intéressante car oui la position phylogénétique exacte des Ornithomimidés n’est pas certaine ainsi comme l’a très bien souligné Mickey Mortimer on ne peut pas exclure que les Ornithomimidés soient plus étroitement affiliés aux Oviraptorosauria et aux Paraves que ce qui est habituellement admis comme le montre le diagramme ci-dessous.

Contrairement au précédent diagramme cet arbre phylogénétique place le clade des Ornithomimidés comme étant plus proche des oiseaux que ne l’est le clade des Thérizinosauroïdés. Auquel cas cela impliquerait une origine des rémiges semblables à celles constituant les ailes des oiseaux, plus récente et peut-être même différente que celle défendue par Darla K. Zelenitsky et al (2012). [1]

Si c’est le cas nous pourrions même supposer que l’ancêtre commun des Ornithomimidés, des Oviraptorosauria et des Paraves, seraient des petits dinosaures à plumes similaires à Anchiornis huxleyi et déjà aptes au vol plané.c'est là un point de vue défendu notamment par Gregory S. Paul. Cependant d’un autre côté même si les Ornithomimidés étaient beaucoup plus apparentés aux oiseaux que ce qui est habituellement admis cela ne validerait non plus pas de manière flagrante la théorie de Gregory S. Paul, l’origine évolutive exacte des rémiges et donc des ailes des oiseaux demeurerait simplement aussi incertaine qu’elle ne l’est déjà actuellement.

Notons également que Mickey Mortimer se montre également assez critique vis-à-vis de la nomenclature appliqué aux différents fossiles de l’étude de Darla K. Zelenitsky et al (2012) [1]. Mickey Mortimer rappelant que les fossiles en question n’appartiendraient pas au genre Ornithomimus mais au genre Dromiceiomimus. Ce désaccord de Mickey Mortimer n’étant pas inintéressant mais ne changeant cependant pas grand-chose à la problématique discutée ici sachant que Dromiceiomimus appartient également au clade des Ornithomimidés.

2. Les plumes des Ornithomimidés étaient peut-être fort différentes de celles des ailes des oiseaux

C’est tout du moins ce que pense le paléontologue Andrea Cau! Ce dernier pensant que les «marques» sur les os des avant-bras sont certes de réelles «attaches» de plumes, mais que les dites plumes étaient peut-être forts différentes de celles constituant les régimes des ailes des oiseaux. En effet Andrea Cau défend la thèse selon laquelle les plumes d’Ornithomimidés, plumes auxquelles correspondent les dites marques, pourraient être de grandes plumes filamenteuses allongées semblables à celle du Thérizinosauridé Beipiaosaurus inexpectus. [2]

À gauche les os des avant-bras d'un des adultes d'Ornithomimus décrit par l'étude de Darla K. Zelenitsky et al (2012). [*]. On y observe les marques qui constituaient probablement des «attaches de plumes». À gauche les plumes fossilisés du  Thérizinosauroïdés nommé Beipiaosaurus inexpectus décrit par Xing Xua, Xiaoting Zheng and Hailu (2009). Le paléontologue Andrea Cau notant que la position des marques sur les ossements d'Ornithomimus sont davantage compatible avec la distribution des grandes plumes filamenteuses de Beipiaosaurus inexpectus qu'avec celle des rémiges de plumes des oiseaux.

Ainsi les «attaches de plumes» des Ornithomimidés étaient peut-être celles de grandes plumes filamenteuses allongées semblables à celle de Beipiaosaurus inexpectus et non pas des rémiges très semblables à ceux des ailes de nos oiseaux comme cela est le cas pour les Dinosaures Théropodes Maniraptoriens tels que Anchiornis huxleyi. Cependant si l'hypothèse d'Andrea Cau est plausible elle n'est non plus pas avérée et il est pour l'heure difficile pour ne pas dire impossible de trancher de manière définitive pour l'une des deux hypothèses en question.

Conclusion

Les deux fossiles analysés dans l’étude de Darla K. Zelenitsky et al (2012) [1] montrent indiscutablement que les Ornithomimidés avaient des plumes mais objectivement nous ignorons encore beaucoup de ces dernières et ne pouvons guère affirmer qu’elles formaient des rémiges semblables à celles des ailes de nos oiseaux actuelles. De plus même si cette dernière hypothèse s’avérait vrai la position phylogénétique des Ornithomimidés n’est pas absolument certaine et il faudrait donc demeurer extrêmement prudent vis-à-vis des hypothèses que nous pourrions formuler sur l’évolution des ailes des oiseaux. En revanche la présence «d’attaches de plumes» sur les avant-bras des Ornithomimidés prouve que ces derniers possédaient également des plumes déjà passablement complexes, c’est-à-dire plus «élaborés» que de simples filaments ou que de la simple «fourrure de plumes». À ce stade espérons que de future découvertes paléontologique permettra de nous répondre de manière claire à ces très intéressantes questions!

Références:

[1] Darla K. Zelenitsky et al (2012), Feathered Non-Avian Dinosaurs from North America Provide Insight into Wing Origins, Science

[2] Xing Xua, Xiaoting Zheng, and Hailu You (2009),, A new feather type in a nonavian theropod and the early evolution of feathers, Proceedings of the National Academy of Sciences