vendredi 1 mai 2015

Yi qi: Un dinosaure aux ailes de chauve-souris?

La paléontologie nous a déjà gratifié de nombreuses surprises, et les dinosaures n'ont pas été en reste. Cependant dans le registre du bizarre et de l'inattendu le dernier venu, ayant fait l'objet d'une publication dans la prestigieuse revue « Nature » [1], crève littéralement le plafond! Trêve d'introduction pompeuse, Mesdames et Messieurs je vous présente Yi qi.

Image 1. Reconstitution artistique de Yi qi. Notez que la disposition exacte de la membrane demeure cependant incertaine (voir Image 3).

Que dire? Premièrement bien que le nom binomial attribué à ce spécimen soit en mandarin (Yi = aile et qi = étrange), il est, une fois n'est pas coutume, très facile à retenir et à écrire. Et cela en plus de parfaitement correspondre au spécimen ainsi nommé, c'est le moins que l'on puisse dire! Pour le reste observez le fossile en question (cliquez sur l'image pour agrandir).

Image 2. Fossile du spécimen nommé Yi qi, notez la magnifique conservation des plumes.

Magnifique n'est-il pas? Franchement qu'avons nous de plus étrange à ce jour qu'un dinosaure à plumes doté d'une tige osseuse semblable à celle des ailes des chauves souris, des ptérosaures et même à celles des membres antérieurs d'écureuils volants tels que Petaurista leucogenys? Car oui comme le montre le diagramme ci-dessous, cet étrange dinosaure devait disposer d'une membrane semblable aux animaux susmentionnés. Bref Yi qi, était un dinosaure à plumes ne volant (ou planant), non pas grâce ses dites plumes, mais bel et bien grâce à des membranes semblables à celles de nos chauves-souris!



Image 3. a, b et c: Trois possibles dispositions de la tige osseuse et de la membrane que devait soutenir cette dernière. d: Aile de chauve-souris. e: Aile d'oiseau. f: Aile de ptérosaure. g: Membrane de l'écureuil volant Petaurista leucogenys.


À partir de là il n'y a pas grand chose à ajouter, si ce n'est que, comme le montre les schémas ci-dessus, la disposition de la tige osseuse et de la membrane que devait soutenir cette dernière, demeurent incertaines. Donc prudence sur la disposition de la membrane. Enfin notons que Yi ki a été classé non sans raison dans le clade des Scansoriopterygidae (Image 4), clade comprenant déjà le très original Epidexipteryx hui.


Image 4. Phylogénie simplifiée des Coelurosauria et plus exactement de Paraves, montrant la position phylogénétique attribué à Yi qi au sein de ce clade. Notons que cette phylogénie est toujours susceptibles de possibles modifications.


Dernière remarque, hormis d'être à ce jour le seul dinosaure connu à disposer de pareilles tiges osseuses, il est peu probable qu'il s'agisse d'un ancêtre des oiseaux. En revanche ce dinosaure atypique montre que les Maniraptoriens ont expérimenté différentes évolutions pour un mode de déplacement similaire, à savoir le vol, ou tout du moins le vol plané. Alors que certains tels que Archaeoptéryx, Microraptor gui puis les oiseaux à proprement parler, développèrent des rémiges élaborés ; d'autres Maniraptoriens développèrent des membranes (soutenues entre autre par une tige osseuse ou cartilagineuse) semblables à celles des Chauves-souris et des Ptérosaures!

Décidément les dinosaures n'ont pas fini de nous surprendre!

Référence:

jeudi 23 avril 2015

La consanguinité augmente-t-elle la fertilité?

Commençons par cette sympathique vidéo de l'excellente équipe de «Dirty Biology».



Dans cette vidéo Léo Grasset empale d'emblée un préjugé encore fortement ancré, à savoir celui voulant que la consanguinité serait forcément négative, ce qui n'est en effet de loin pas toujours le cas. Mieux comme l'avait rappelé le généticien André Langaney, la consanguinité peut même s'avérer bénéfique à partir du moment où la population consanguine a purgé les allèles délétères qui auraient été susceptibles de poser problème en cas d'homozygotie. La consanguinité n'est donc pas forcément négative. Et heureusement! Car comme le rappelle là encore André Langaney nos ancêtres ont dû sacrément cousiner et cela sur de nombreuses générations faute de mobilité et d'effectifs suffisants. Pour autant la consanguinité n'est pas sans risque. La mauvaise réputation de celle-ci a également des bases on ne peut pas plus substantielles. Car si des allèles délétères se baladent au sein d'une famille, ce qui est souvent le cas, alors gare à la consanguinité qui a tendance à favoriser l'homozygotie pour certains de ces allèles. Cependant cela n'est généralement vrai qu'en cas de forte consanguinité, si la diversité génétique au sein d'une population donnée est suffisamment importante, le cousinage au troisième et quatrième degré semble souvent pouvoir se faire sans que cela ne débouche sur des problèmes de santé. Mais cela la vidéo de «Dirty Biology» l'explique déjà très bien.

Cependant il y a un point majeur de la dite vidéo qui m'a laissé pour le moins circonspect. Il s'agit d'une étude publiée dans la revue «Science» soutenant une hypothèse voulant que la consanguinité favoriserait la fertilité. [1] L'étude en question porte sur des banques de données de diverses familles islandaises allant du début du 19ème siècle au milieu du 20ème siècle. L'analyse de ces données montre trois choses, (1) les unions entre cousins au premier degré débouche sur une fertilité moindre, probablement dû selon les auteurs à la dépression de consanguinité. (2) Les unions entre cousins du troisième et quatrième degré débouche en revanche sur la fertilité la plus élevée observée, avec non seulement davantage d'enfants mais également à terme de petits enfants. (3) Les unions entre parents plus éloignés que le troisième et quatrième degré, déboucherait en revanche de nouveau à une fertilité moindre, pire les unions de personnes généalogiquement éloignés déboucheraient même à un nombre de petits enfants inférieur à celui des unions entre cousins au premier degré.

Problème...

L'étude ne s'arrête pas aux constats mentionnés ci-dessus, elle spécule sur leurs causes. D'une part elle attribue à la moindre fertilité des cousinages au premier degré à la dépression endogamique. D'autre part elle attribue la moindre fertilité des unions les moins étroitement apparenté à ce que nous pourrions réellement appeler une dépression hybride! Ainsi les auteurs de cette publication affirment que les unions au troisième ou quatrième degré de cousinage seraient les plus optimales en terme de fertilité (et donc évolutivement parlant), dès que le cousinage est moindre une dépression hybride commencerait à affecter la fertilité des partenaire génétiquement plus distants l'un de l'autre, conclusion que reprend l'équipe de «Dirty Biology» dans sa vidéo.


Axe des abscisses pour les quatre graphes: degré de consanguinité. Axes ordonnées, pour le graphe A: Nombre d'enfants, pour le graphe B: Nombre d'enfants ses reproduisant, Pour le graphe C : Nombre de petits enfants Graphe C: Espérance de vie moyenne des petits enfants. Rappel il s'agit de données concernant la population islandaise de 1800 à 1965. [1]

Or cette conclusion pose problème pour deux raisons majeures. La première est bien évidemment l'absence de données biologiques concrètes attestant du phénomène de dépression hybrides pour les données analysés. Par exemple et de façon inverse, l'existence de dépression endogamique est appuyée par l'espérance de vie moindre des enfants issus de cousins au premier degré, il n'y a en revanche pas de variation significative de l'espérance de vie des enfants issus d'unions au degrés de cousinage plus éloignés. Certes on peut rétorquer qu'une dépression hybride peut affecter uniquement la fertilité des «hybrides» sans affecter la santé de ces derniers. Cependant cette hypothèse même si hypothétiquement possible, n'est donc ici appuyé par aucune donnée véritablement concluante.

La deuxième critique est l'absence de toute analyse socio-culturelle approfondie. Car après tout n'est-il pas possible que la plus grandes fertilité des unions consanguines s'expliquent par des facteurs purement socioculturels. En gros il s'agirait simplement du fait que les individus les plus religieux et conservateurs tendent à la fois à se marier davantage entre cousins et à avoir davantage d'enfants. À l'inverse les personnalités les plus individualistes tendent à se marier en dehors de leur communauté et à former des familles moins nombreuses. Conscients de cette possible objection les auteurs de cette étude affirment que la baisse constante et graduelle de la fertilité à partir du quatrième degré de cousinage jusqu'au septième, n'est pas entièrement compatible avec les possibles facteurs culturels susmentionnés. Car après tout, et comme le mentionnent les auteurs de l'étude, pourquoi une baisse sensible de fertilité du sixième au septième degré de cousinage? On a en effet du mal à croire que cette baisse puisse témoigner de différence culturelles notables entre les couples dont les partenaires sont cousins aux sixième degré par-apport aux couples dont les partenaires sont cousins au septième degré. Certes cette objection est valide et montre que l'hypothèse de facteurs culturels n'est pas avérée... Cependant elle n'est pas non-plus réfutée! Ni moins ni davantage que l'hypothèse biologique des auteurs de cette étude. Car sans analyse détaillés de variables culturelles, corrélées à la consanguinité, aux liens sociaux, etc, etc... au sein de la société islandaise durant cette tranche de son histoire, on ne peut pas exclure péremptoirement que cette baisse de fertilité, même celle allant du sixième au septième degré de cousinage, a des bases socioculturelles et non pas biologiques. Bien évidemment l'inverse est également vrai, on ne peut non plus pas exclure péremptoirement des facteurs biologiques à cette disparité. Dès lors même si l'échantillonnage de cette étude est vaste on ne peut guère affirmer avoir ici une démonstration concluante de l'apparition d'une dépression hybride au-delà du quatrième degré de cousinage.

Par ailleurs notons que le degré de cousinage ne suffit pas à déterminer la proximité génétique de deux individus. Ainsi une population demeurant réduite pendant de nombreuses générations, verra ses membres êtres très semblables génétiquement. Tellement semblables que deux cousins très éloignés de cette population pourraient s'avérer génétiquement bien plus semblables que le sont deux cousins au premier degré d'une populations se caractérisant par une plus grande diversité génétique. Or les populations plus diverses génétiquement sont-elles moins fertiles en raison de cette plus grande diversité? Je ne connais aucune étude à ce sujet, mais on devine en quoi cela peut compliquer le tableau entourant l'hypothèse faite par les auteurs de l'étude précédemment mentionnée.

Conclusion

La question du cousinage et de la consanguinité est plus complexe qu'elle n'y parait de prime abord. L'équipe de «Dirty Biology» souligne à juste titre le fait que la consanguinité est souvent injustement diabolisée alors qu'elle est plus commune qu'on le pense et pas forcément négative pour la santé. Cependant l'hypothèse tirée de l'étude de la revue «Science», hypothèse voulant qu'une dépression hybride pointerait le bout de son nez au delà du quatrième degré de cousinage, demeure très incertaine considérant l'absence de données véritablement concluante en sa faveur et l'absence d'analyse sociologique approfondie qui permettraient éventuellement de déterminer diverses variables confondantes derrière les chiffres analysés. En fait à ce stade cette hypothèse doit donc être prise avec la plus grande prudence. De toute manière qu'on se rassure ne pas se reproduire avec ses cousins n'empêche pas d'avoir une descendance nombreuse. Pensons à Gengis Khan ainsi qu'à ses frères et fils, ils n'ont pas qu'ensemencé de proches cousines à eux, bien au contraire! Et pourtant leur descendance est remarquablement nombreuse. Bon ok c'est aussi et surtout parce qu'ils ont ensemencé comme peu d'hommes ont eu l'occasion de le faire dans l'histoire. Oui avec l'exemple de Gengis Khan je triche un peu car cela me permet de partager cette autre et excellente vidéo  de «Dirty Biology», vidéo consacrée, entre autre, à la descendance de ce célèbre conquérant.

 

Référence:

[1] Agnar Helgason et al (2008), An Association Between the Kinship and Fertility of Human Couples, Science

vendredi 16 janvier 2015

La sociobiologie racialiste ou l'art des spéculations ad hoc

«The arguments for inferiority drawn from the history of civilization are also weak. At the time when the early kingdom of Babylonia flourished the same disparaging remarks that are now made regarding the Negro might have been made regarding the ancestors of the ancient Romans. They were then a barbarous horde that had never made any contribution to the advance of that civilization that was confined to parts of Asia, and still they were destined to develop a culture which has become the foundation and an integral part of our own. Even later the barbarous hordes of northern Europe, who at the time of the ancient Romans were tribal groups without cultural achievements, have become the most advanced nations of our days.» Franz Boas [1]
Par ces présents propos l'anthropologue Franz Boas (connu pour ses prises de positions critiques à l'encontre le racisme « scientifique » de son époque) fournissait l'une des critiques les plus pertinentes au paradigme racialiste dominant de son époque. Bien évidemment les personnes avisées se montreront probablement critiques vis-à-vis des présents propos de Franz Boas, notamment en soulignant que les populations Nord-Européennes de l'Antiquité avaient également leur accomplissement culturels (notamment la métallurgie). Mais donc cela étaient également vrai pour les Noirs-Africains [2], Noirs-Africains qui justement étaient à l'époque considérés comme racialement inférieurs et sans aucun accomplissement culturel digne de ce nom. De plus malgré des inexactitudes évidentes, il faut comprendre ces propos de Franz Boas dans leur contexte. C'est-à-dire la mise en contraste de populations ayant atteints des niveaux d'avancements technologiques, et de complexité sociale surpassant de beaucoup, ceux de populations considérées comme arriérées, primitives et rustres par les premières.

Car ici Franz Boas répond notamment à l'idée, très en vogue à son époque, voulant que les Nord-Européens formeraient une race supérieure,. Supériorité raciale qui serait confirmée par la domination coloniale britannique à travers le monde ou encore par la puissance militaire et économique de l'Empire Allemand. Les présents propos de Franz Boas mettant à mal cette conception raciale du monde, en rappelant qu'il y moins de deux millénaires les barbares arriérés étaient ces mêmes Nord-Européens et les civilisés se situaient principalement autour de la Méditerranée et même avant cela au Moyen-Orient. Bien sûr les racialistes de l'époque avaient toute sorte d'explications ad hoc pour se défendre. Beaucoup affirmèrent que l'origine des Grecs, des Romains et parfois même des Égyptiens, se trouvaient au Nord de l'Europe, mobilisant par là toute sorte de spéculations autour d'un mythique Peuple Indo-européen, racialement civilisateur. Un mythe qui atteignit son apogée avec l'avènement de l'Allemagne nazie.

Si certains racialistes continuèrent à s'attacher à cette conception fallacieuse longtemps après la Seconde Guerre Mondiale, celle-ci tomba donc en désuétude y compris en raison des avancées en génétique. Cependant la pensée racialiste ne mourut pas pour autant, elle ne cessa de ressurgir périodiquement, notamment au travers de justificatifs scientifiquement spécieux tels que les tests de QI. Cependant il manquait au racialisme un moyen d'être cohérent au regard d'une histoire humaine ne collant pas avec ses narrations et ses classifications antérieures. Car l'objection de Franz Boas n'a depuis cessé d'être pertinente! Le racialisme devait donc trouvé de nouvelles explications ad hoc pour demeurer crédible et mieux encore pour s'affubler d'une réelle crédibilité scientifique. Sans surprise ce fut la sociobiologie qui devint le nouveau vecteur du racisme « scientifique ».

Ce qu'on appelle « sociobiologie » n'est pas en soi raciste et mieux encore elle comprend des théories ou approches tout ce qu'il y a de plus scientifiques à mettre en lien avec l'anthropologie en générale. Hélas la sociobiologie fut également victime des fameuses «just-so-stories» et autres raccourcis ultra-adaptationnistes ayant vite fait de la décrédibiliser. C'est d'ailleurs dans le cadre de cette dérive de la sociobiologie que s'inscrit le renouveau du racialisme contemporain. Et qui dit renouveau, dit changement de nom! Après s'être fait appelé un temps, « race realism », les tenant de la pensée raciale répondent aujourd'hui au doux nom de « HBD » acronyme de « Human Biological Diversity ».

Que stipule la sociobiologie HBDienne?

En 2014 cette sociobiologie HBDienne fut popularisée au travers d'un livre qui fit abondamment parler de lui à savoir « A Troublesome Inheritance: Genes, Race and Human History » du journaliste Nicholas Wade [3]. Ce dernier exprimait depuis longtemps déjà sa sympathie pour ces approches sociobiologistes et racialistes. Et si ce livre de Nicholas Wade a un intérêt, c'est bien de synthétiser à lui seul la pensée sociobiologiste et raciale du mouvement  «HBD» mentionné ici. Ainsi on apprend que cette sociobiologie racialiste reprend à son compte le concept de coévolution gène-culture concept qui avait même séduit l'anthropologue Claude Lévi-Strauss en 1971 déjà. [4] Et pour cause ce concept est des plus intéressants et est valide à bien des égards. Un des exemples les plus souvent cités, est la diffusion de mutations permettant la digestion du lactose à l'âge adulte qui aurait eu lieu suite à la généralisation de la consommation du lait des animaux d'élevage au sein de certaines populations humaines. Mais comme l'écrit ensuite Nicholas Wade, selon certains scientifiques le concept de coévolution gène-culture serait également à l'origine d'importantes différences cognitives entre les différentes populations humaines. Et pour ce faire Nicholas Wade se base sur les écrits d'un économiste...


Oui parce qu'un économiste comme soutient à une sociobiologie teintée de racialisme ça sent d'avance la connerie...

Cet économiste c'est Gregory Clark, ce dernier soutient grosso modo que d'une période partant aux alentour des années 1200 jusqu'au début de la révolution industrielle en 1800, la population anglaise aurait été soumise à une importante pression sélective sélectionnant les individus ayant la propension à être moins violent, la propension a davantage économiser et la propension à davantage travailler (Wade 2014, 155-156) [3] (Clark 2007) [5]. L'origine de cette sélection? Clark soutient grosso modo que durant la première partie de cette période, l'augmentation de la production agricole aurait abouti à une augmentation rapide de la population. Mais alors l'Angleterre serait entrer dans un « piège malthusien », c'est-à-dire que la production se serait mise à stagner tandis que la population continuait à augmenter. Conséquence le revenue moyen réel par habitant se serait effondrer, les plus aisés, qui pour le coup seraient également les plus travailleurs, économes, intelligents et donc riches, auraient mieux survécut durant cette période et donc auraient eu davantage d'enfants, d'où l'évolution vers une population génétiquement plus travailleuse, économes et patati et patata... Une jolie narration sociobiologiste qui fut pourtant sévèrement critiquée tant les fondements sur lesquelles elle repose sont bancals. [6] 

Je pense notamment à la référence de Clark aux études de Napoleon Chagnon sur les Yanomami, et sur laquelle Clark s'appuie pour justifier sa théorie sociobiologistes appliquée elle, aux Anglais. (Clark 2007,129-130) En effet Napoleon Chagnon soutenaient que les Yanomami ayant commis des actes de guerre entrainant la mort avaient davantage accès aux femmes donc davantage d'enfants. Certains sociobiologistes interprétant cette description de Chagnon comme un démonstration d'une sélection génétique en faveur des individus les plus violents (alors que Chagnon lui-même demeurait distant face à ces interprétations sociobiologiques). Gregory Clark adhére lui aussi à cette interprétation et met en contraste l'hypothèse sociobiologiste sur les Yanomami, avec l'évolution de la société anglaise des années 1200 à 1800. Société anglaise qui, à l'inverse de ce qui se passerait avec les Yanomami, aurait sélectionné les individus les moins violents.  Problème les interprétations sociobiologistes autour des propos de Chagnon ne tiennent pas au regard des observations mêmes de ce dernier. Car seuls les Yanomami ayant survécut aux actes de guerre peuvent avoir des enfants or beaucoup des Yanomami entrant dans ces conflits, meurent. Et si l'on prend en compte ceux qui sont morts on s'aperçoit que la propension à faire la guerre ne constitue plus l'avantage sélectif qu'il semblait être de prime abord. [7] Mais Clark survole cette nécessaire mise-au-point, en ne lui consacrant qu'une courte note de bas de page et sans même noter que cela rend sa référence à Napoléon Chagnon hors-de-propos comme défense de sa thèse sociobiologique. Par ailleurs la thèse de Clark (tout comme celle des interprétations sociobiologiques autour de Napoleon Chagnon) n'a à son actif aucune donnée génétique appuyant son interprétation sociobiologique! Mais qu'à ne cela tienne Wade prend partie pour cette interprétation sociobiologique et affirme même, sans aucune donnée solide à l'appuie que le processus décrit par Clark pour l'Angleterre aurait également eu lieu ailleurs en Europe ainsi qu'à l'Est de l'Asie.

Des Barbares à l'Occident moderne

Cette approche sociobiologique que synthétise Wade, répondrait ainsi à l'objection que Franz Boas formula il y a plus d'un siècle. En effet il y a 2000 ans les Nord-Européens auraient été de nature différente, c'est-à-dire génétiquement plus violent, moins économes, moins prévoyants, bref de véritables barbares. Puis grâce au processus sélectif décrit plus haut, ils seraient devenus les peuples civilisés et raffinés que nous connaissons aujourd'hui.

Des Barbares rustres et violents (à gauche) à l'Occidental moderne, civilisé, raffiné et intelligent (à droite). Arf!

Mais alors comment expliqué que les Grecs, Romains, et Égyptiens aient précédés les Nords-Européens? Peter Frost un anthropologue et HBDiste convaincu, soutien que les populations Méditerranéennes incorporées au sein de l'Empire Romain auraient été « génétiquement pacifiées » par la répression qu'auraient exercés l'Empire contre ses élément les plus dissidents et violents. Peter Frost poussant sa joyeuse spéculation plus loin encore en affirmant que les Romains auraient été tellement pacifiés qu'ils se seraient alors passivement laissés envahir par des populations non-pacifiées à savoir les fameux barbares Nord-Européens! [8] Et c'est sans surprise que Henry Harpending, autre partisan convaincu de la pensée HBD, s'adonne sur son blog à une comparaison de la narration de Frost sur les Romains, avec l'Occident moderne. Occident moderne qui serait lui aussi confronté à ses barbares non-pacifiés à savoir les immigrés en provenance des divers pays du Tiers-Monde. Bref une population occidentale génétiquement pacifiée face aux hordes de barbares génétiquement violents venu du Sud. Mais non le mouvement HBD n'est pas animé par des considérations politiques c'est une pure théorie scientifique puisqu'on vous le dit!

Mais donc que penser de cette sociobiologie HDBienne?

1. Réponse courte:


2: Réponse longue:

Bon ok on va quand même essayer de développer mais donc par où commencer? Car franchement il y a tellement de raccourcis fallacieux savamment mélangés à des considérations évolutives, ma foi tout à fait valides même si maniées n'importe comment, qu'il est difficile de savoir par où décortiquer cette sociobiologie HBDienne. La première chose à faire serait donc peut-être d'aller directement au fond du problème, à savoir souligner que cette sociobiologie repose sur une série d'explications ad hoc sans démonstration et preuve solide derrière ces dernières. Par exemple quelle preuves solides, c'est-à-dire génétiques, ont Clark, Harpending, Frost et compagnie pour soutenir que les Nord-Européens de l'Antiquité avaient génétiquement plus de propension à la violence que les Nord-Européens actuels? Réponse: Que dalle!

Et en réalité c'est même bien pire encore. Puisque cette sociobiologie se garde bien de distinguer un tant soit peu clairement ce qui serait du registre de l'évolution culturelle et sociale, de ce qui serait réellement du registre de la génétique, et pour cause elle ne le peut pas. Comme l'avait noté un dénommé Noah Smith au 19ème siècle les Irlandais étaient pauvres, les immigrants Irlandais aux États-Unis étaient souvent très mal vus, perçus non seulement comme pauvres, mais également comme violents et méprisables, etc... Et aujourd'hui ils ne sont plus considérés ainsi. Doit-on en déduire qu'en moins de 200 ans il y aurait eu un puissant processus sélectif ayant modifié la nature même des Irlandais, y compris celle de leurs descendants Outre-Atlantique?

Exemple de racisme « scientifique » du 19ème siècle avec des Irlandais représentés, à l'instar des Noirs, comme appartenant à une race humaine simienne, à l'inverse des «Anglo-Teutoniques» considérés comme étant racialement supérieurs.

Le biologiste H. Allen Orr souligne à ce titre l'absence totale de preuve solide dans la synthèse sociobiologiste que propose Nicholas Wade dans son livre. Souvent certains de ces sociobiologistes rétorquent que des preuves existent, notamment le fait que les immigrants Asiatiques se sont très bien intégrés en Amérique du Nord et même du Sud tandis que les Noirs demeurent socialement désavantagés. Mais c'est oublier les différences historiques et culturelles profondes entre ces populations qui ont d'ailleurs des histoires migratoires fort différentes. Il est par ailleurs amusant de constater que Nicholas Wade ne fait preuve d'aucune rigueur ne serait-ce qu'historique, faute d'en faire preuve en génétique. En effet Nicholas compare l'ascension économique post deuxième guerre mondiale, de pays asiatiques tels que la Corée du Sud, avec des pays africains tels que le Nigeria demeurant en comparaison, rongés par la corruption, la pauvreté et les guerres. Pour Nicholas Wade ces différentes évolutions seraient des preuves de différences génétiques en matière de comportement entre Est-Asiatiques et Noirs-Africains (Wade 2014, 173-185) [3]. Or je ne vois pas comment Nicholas Wade peut affirmer cela sans creuser, ne serait-ce qu'un peu, les multiples autres facteurs susceptibles d'expliquer ces différentes évolutions. Nous pourrions notamment mentionner les profondes et très nombreuses fractures ethniques au sein de nombreux pays africains, y compris le Nigéria, par-apport à la plus grande cohésion ethnique et sociale d'un pays comme la Corée. Mais Nicolas Wade n'en fait rien au mieux il survole rapidement ces questions! Idem pour l'économiste Gregory Clark qui affirme à demi-mot par exemple, que les populations Indiennes (ou tout du moins certaines d'entre-elles) ne disposeraient pas des prédispositions comportementales d'origine génétiques pour s'adapter à une société industrialisée (Clark 2007, 354-357) [5]. Mais cela sans parvenir à distinguer les facteurs culturels et sociaux des hypothétiques facteurs génétiques (Allen 2008, 968-969) [6]. Mais peu importe Clark comme Wade et comme les autres partisans du mouvement « HBD », minimisent ou au mieux survolent en vitesse ces objections, pour finalement reconnaitre qu'elles sont valides mais que leur théorie demeure malgré tout hypothétiquement possible...Bref ils n'amènent aucune démonstration solide et ne reconnaissent pas comme il se devrait les failles évidentes de leurs théories comprenant de nombreux faits qui s'opposent à ces dernières.

Conclusion:

La conclusion est simple, si l'on prend un minimum de recule on s'aperçoit que cette nouvelle évolution du racialisme est véritablement du foutage de gueule. Les approches sociobiologiques proposées consistent à faire coller des scénarios hypothétique ad hoc pour coller aux faits observés (différence de développement économiques et technologiques) pour ensuite affirmer que ces faits collent avec les scénarios hypothétiques précédemment proposée et confirment ainsi la théorie sociobiologiste de départ. Si ce n'est pas un raisonnement circulaire cela y ressemble beaucoup!

Certes les avocats de cette sociobiologie particulière couvrent leur arrières en reconnaissant par exemple que dans certains cas la culture et l'évolution sociale à elles seules peuvent suffire à expliquer des différences que leurs interprétations sociobiologistes expliqueraient dans d'autres cas. Mais alors comment distinguent-ils les hypothétiques facteurs génétiques qu'ils soutiennent, des facteurs purement culturels et sociaux, alors qu'ils n'ont aucune démonstration génétique solide à l'appui? Bref tout ça pour dire que si le livre de Nicholas Wade et les autres publications du mouvement
« HBD » connaissent tant de succès ou tout du moins font tant parler d'eux ce n'est certainement pas en raison de leur valeur scientifique mais bel et bien de leur portée idéologique et politique.

Références:

[1] BOAS, Franz (1974 [1906]), The Outlook for the American Negro, in A Franz Boas Reader, The Shaping of American Anthropology, 1883-1911, University of Chicago Press : Edited by George W. Stocking, Jr, 1982, Originally published 1974, Reprint 1989. 310-31

[2] HUYSECOM, Éric (2007), Un Néolithique ancien en Afrique de l'Ouest?, Pour la Science N°358

[3] WADE, Nicholas (2014), A Troublesome Inheritance: Genes, Race and Human History, The Penguin Press 2014

[4] LÉVI-STRAUSS, Claude (2001 [1971]), Race et Culture, in Race et Histoire Race et Culture, Albin Michel / Éditions UNESCO

[5] CLARK, Gregory (2007), A Farewell to Alms: A Brief Economic History of the WorldPrinceton University Press

[6] ALLEN Robert C. (2008), A Review of Gregory Clark’s A Farewell to Alms: A Brief Economic History of the World, Journal of Economic Literature 46:4, 946–973

[7] FERGUSON, R. Brian (2001), Materialist, cultural and biological theories on why Yanomami make war, Anthropological Theory, Volume 1(1) 99-116

[8] FROST, Peter (2010), The Roman State and Genetic Pacification, Evolutionary Psychology Volume 8(3)